Les foils du Vendée Globe

Le départ du 8ème Vendée Globe a été donné le 8 novembre. Pour ce tour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance qui se court tous les 4 ans, 29 marins s’affrontent sur des monocoques de 60 pieds IMOCA. Et pour la première fois, 7 bateaux sont équipés de foils

Le départ du 8ème Vendée Globe a été donné le 8 novembre. Pour ce tour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance qui se court tous les 4 ans, 29 marins s’affrontent sur des monocoques de 60 pieds IMOCA. Et pour la première fois, 7 bateaux sont équipés de foils:

Pour les amateurs de bateaux volants c’est assez surprenant de voir des foils ajoutés à des bateaux lestés par 3.1 tonnes de plomb et des ballasts, alors que jusqu’ici les foilers étaient ultra légers afin de soulever leur(s) coque(s) hors de l’eau.

En fait, comme l’expliquent bien la vidéo ci-dessous, le rôle principal des foils est de créer un couple de redressement du bateau :

En prime, la portance du « tip » du foil associée à celle de la quille inclinable génère une poussée verticale qui réduit notablement le déplacement du bateau. A 20 noeuds, cette poussée représente 60% du poids du bateau, et il décolle pratiquement dans les vagues

Ces foils remplissent encore un autre rôle. La quille inclinable n’est pas un plan anti-dérive très efficace. C’est pourquoi les 60 pieds IMOCA étaient jusqu’ici équipés de deux dérives-sabre, dont l’une est abaissée pour que le bateau « cape » mieux, notamment au près. Mais comme le Vendée Globe se court principalement au portant ces dérives sont avantageusement remplacées par des foils dont la partie plongeante (le « shaft ») fonctionne comme un petit plan anti-dérive*.  Selon Quentin Lucet, architecte au cabinet VPLP qui a conçu 6 des 7 foilers de la flotte, les foils de ces bateaux se distinguent justement par ce « shaft » plutôt que par le « tip » [1].

D’ailleurs on peut voir ces foils non comme une révolution, mais comme une évolution. Sur les IMOCA des éditions précédentes, les dérives-sabre étaient inclinées vers l’extérieur du bateau. Mais pour le Vendée Globe 2012-2013, le chantier VPLP a eu l’idée d’incliner les dérives de « Macif » et « Banque Populaire » plutôt vers l’intérieur pour qu’avec la gîte elles génèrent une force verticale comme des foils. Résultat : les deux bateaux ont remporté la course dans un mouchoir de poche (François Gabart arrivant 3h avant Armel Le Cléac’h après 78 jours de course!), laissant le 3ème à plus de deux jours.

Pour cette édition, « Banque Populaire » rebaptisé « Maitre Coq » a remplacé ses dérives par de vrais foils, et VPLP a conçu les 6 autres foilers tout neufs. Enfin presque, parce que la plupart ont déjà  pris le départ de la Transat Jacques-Vabre 2015. Mais un seul l’a terminée (« Banque Populaire VIII », à la 2ème place), tous les autres devant abandonner sur casse…

Car la grande inconnue est là : ces foils créent des forces énormes sur la structure, des accélérations et des chocs auxquels aucun bateau ni homme n’a été soumis pendant une si longue période. Les bateaux qui survivront à ces conditions extrêmes battront probablement le record de François Gabart en 78 jours. Dans ce cas nous verrons certainement des bateaux volants au Vendée Globe 2020.

Pour l’instant c’est bien parti : à l’heure où j’écris, les 3 bateaux en tête de la course sont des foilers (Hugo Boss, Banque Populaire VIII, Edmond de Rotschild) et les 4 autres sont 5,7,9 et 24èmes.

Reste un petit mystère que je n’ai pas éclairci : sur les sites et forums anglophones [4], les foils de ce type sont baptisés « DSS » comme « Dynamic Stability Systems » [5], le nom d’une entreprise fondée par Hugh Welbourn pour exploiter son brevet [6] qui me semble assez large. VPLP a-t-il acquis une licence de ce brevet ? Pourtant ils ne sont pas mentionnés dans les partenaires de DSS… Ou ont-ils déposé leur propre brevet, que je n’ai pas trouvé ? Ou jouent-ils sur l’antériorité du brevet de Rougier & Emig [7] aujourd’hui échu ?

Note* : outre les problèmes de construction, la jauge IMOCA limite à 5 le nombre d’appendices mobiles. Avec la quille inclinable et deux safrans, il faut chosir : dérives ou foils, car utiliser des foils ou dérives fixes serait trop handicapant dans le petit temps.

Sources:

  1. Raphaël Bonamy, « Vendée Globe. Les foils ? Ça marche comme ça…« , 04/11/2016, sur Ouest-France
  2. « Vendée Globe : des machines volantes vont s’affronter sur l’eau« , 4/11/2016, Sciences et Avenir
  3. Chloé Lottret « Un voilier du Vendée Globe 2016 expliqué« ,06-11-2016, Bateaux
  4. « DSS foils to revolutionise IMOCA 60 fleet« , 22 October 2014, The Daily Sail
  5. « Dynamic Stability Systems – Technology«
  6. Hugh Burkewood Welbourn « Hydrofoil system for mono-hull sailboats », 2007, brevet WO 2007116318 A3
  7. Francois Paul Louis Co Rougier, Marc Emig « Disposition architecturale permettant d’augmenter de la stabilite des voiliers de type monocoque par des foils », 2004, brevet FR2877311B3

(article aussi publié sur Dr.Goulu.com)

5 réflexions sur « Les foils du Vendée Globe »

  1. Bonjour Philippe,
    Merci pour ce beau résumé de l’utilisation des foils en 60′ Imoca.
    L’absence d’un tél article sur Foilers aurait fait tache !
    En ce qui concerne le brevet Dss et les foils développés par les team du Vendée Globe, j’avais l’impression (mais je n’ai pas pris le temps de vérifier) que le Dss concernait surtout l’utilisation d’un foil unique bâbord/tribord coulissant dans un puis « horizontal ».
    Les concepteurs de foils d’Imoca jouent sûrement sur le fait que ces foils en L génèrent une force antidérive et un portance. Ce que ne fait pas le Dss. Et comme la jauge Imoca limite le nombre d’appendices, le Dss ne « pouvait pas fonctionner ».
    Fred

    1. le foil unique horizontal c’est une partie du brevet, celle que DSS a mis en œuvre, mais si tu lis le brevet chiffre 19 et suivants et regarde les figures tu verras qu’il est plus large que ça, couvrant aussi des foils courbes indépendants. Reste à savoir si un foil en L est un foil courbe…
      Bon je suis certain que VPLP a fait très attention à ça, j’aimerais juste savoir comment…

  2. Je trouve qu’il y a une grosse différence entre le DSS et les foils des Imocamoustaches: l’angles de gite. Tout les bateaux que j’ai vu avec le « vrai » DSS sont fait pour navigué quasiment à plat, alors que les Imocafoil ont un angle optimale beaucoup plus prononcé. Ceci provoque un « glissement » et la partie efficace devient plus le Tip que le Shaft. A part pour Boss le shaft n’est plus qu’un bras caréné sur beaucoup de bateaux. On a vu aussi le Quant 23 courbé ses foils un peu plus pour les faire descendre dans l’eau et ainsi gagner en tangage (marsoinnage).

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