FORCE 8, « le virage … »

Depuis son démarrage, au début du siècle dernier, le développement des voiliers à foils est passé par l’utilisation de plusieurs types de plans porteurs : en échelles, en V et enfin les foils immergés à contrôle de l’incidence.

Aujourd’hui, deux types de foils coexistes : foils en V (l’Hydroptère, Spitfire, Sailrocket ?…) et les foils immergés, le plus souvent en T (Moth, Mirabaud, Windrider…).

Bateaux N° 305 octobre 1983
Bateaux N° 305 octobre 1983

« Le virage »

Force 8 et Philfly de Philip Hansford, sont de très beaux exemples du virage adopté par quelques concepteurs au cours des années 70. Virage des foils en V, sensibles à la ventilation, vers des foils en T.

La technique du foil immergé (T ou L comme sur les Trifoiler) a été inventée par Christopher Hook. Idée qu’il développa en Angleterre et aux Etats-unis sur des engins à moteurs.

Force 8 est le fruit d’un long développement réalisé en Angleterre durant de nombreuses années par les frères Pattison. Le principal objectif de ces architectes était de battre le record de vitesse en classe open qui, à l’époque, stagnait autour de 23 nœuds. Record qu’ils souhaitaient battre à la semaine de vitesse de Weymouth. Il leur fallait donc résoudre le problème généré par les vagues présentes à Portland Harbour. L’utilisation de foils en T était leur réponse aux problèmes de ventilation rencontrés par les foils en V.

Les foils

Sur Force 8 comme, bien des années plus tard, sur les Trifoiler de Greg Ketterman, le foil au vent pouvait passer en incidence négative afin de tirer le flotteur vers le bas. Architecture qui, si elle est bien maitrisée, permet de se passer de la régulation de l’assiette latérale par le déplacement du pilote.

Document “The design of a sailing hydrofoil F8” D Pattison
Document “The design of a sailing hydrofoil F8” D Pattison 1983

Si sur les engins de Greg Ketterman (TF20, Long shot…), c’est le foil entier qui pivote et sur ceux de Samuel Bradfield (Windrider, Eifo, Scat…) seulement un volet de bord de fuite, sur Force 8, c’est le plan porteur entier qui pivotait, la jambe de force restant fixe.

 

Document « UCL Enginnering » Doug Pattison
Document « UCL Enginnering » Doug Pattison, non daté

 

La régulation

Les palpeurs étaient du type «en avant» et non «en arrière» comme le système de traînard immergé développé par Sam Bradfield ou ceux planants de G & E Chapman (ou Philip Hansford). Les frères Pattison avaient imaginé un système de pilotage identique à celui des avions. Une mécanique complexe permettait de réguler l’assiette latérale par l’intermédiaire d’un volant et de réguler la hauteur de vol en tirant ou poussant ce même volant ! Ce système venait en complément des palpeurs dont étaient équipés les foils avant. La direction étant contrôlée, aux pieds, par l’intermédiaire d’un palonnier.

Document “The design of a sailing hydrofoil F8” D Pattison 1983
Document “The design of a sailing hydrofoil F8” D Pattison 1983

Le gréement

Les foils n’étaient pas les seuls éléments particuliers sur Force 8. Le gréement était constitué d’une voile épaisse symétrique, faiblement efficace par petit temps mais supportant sans distorsion, de forts vents apparents. Un gréement épais à forme réversible avait été étudié mais écarté en raison de sa complexité. Pour contrecarrer la faible portance d’un profil symétrique par rapport à un profil réversible, la surface avait été augmentée de 30% (passant de 10 à 13 m²) et un flap avait été rajouté sur une partie du bord de fuite. Des essais de mise en place de générateurs de vortex avaient aussi été réalisés mais sans succès.

Dimensions

  • Long : 6.14 m
  • Largeur entre foils : 3.66 m
  • Largeur totale : 4.8 m
  • Hauteur mat : 6.5 m
  • Poids avec pilote : 220 kg
  • Poids canot : 142 kg
  • Surface voile : 13 m²
Document « UCL Enginnering »Doug Pattison
Document « UCL Enginnering »Doug Pattison

Construction

Coque et flotteurs avaient été réalisés, sur moule male, en sandwich mousse polystyrène/fibre de verre et résine époxy.

Les foils étaient en fibre de verre statifiés en moule femelle, avec des axes en inox de fort diamètre. Les jambes de forces étaient en aluminium ainsi que les «pods» (liaison jambe de force/foil).

Le bras de liaison provenait d’un profil de mat elliptique en aluminium. Ce bras était responsable, d’après les architectes de Force 8, de 55% de la traînée du bateau. Les frères Pattison avaient donc envisagés la mise en place d’un carénage pour diminuer par 2 la traînée.

La «voile» était, elle aussi, constituée d’un sandwich polystyrène/fibre de verre. Pour améliorer la rigidité transversale et la compression, des renforts en spruce avaient été rajoutés.

Les différents éléments de Force 8 avaient la longueur maximum permise par les dimensions du chantier des Pattison, qui était en réalité leur garage !

Navigation

La mise à l’eau était assez complexe puisque le bateau devait être assemblé sur la grève puis porté à l’eau par 3 hommes. Il était ensuite tracté jusqu’à une profondeur d’eau d’environ 1,5 m afin de permettre le bon fonctionnement des foils. A petite vitesse, le système de contrôle de l’incidence pouvait être «dépassé» par la force vélique et l’engin était donc instable. Par contre, une fois lancé, l’engin naviguait très bien en mode archimédien et était stable une fois décollé. Sa manoeuvrabilité était exceptionnelle il fut même capable de virer face au vent sans atterrir. Un vent de 12 à 15 nœuds était nécessaire au vol et le décollage avait lieu à une vitesse de 8 à 10 noeuds.

 

Livre “Icarus the boat that flies” James Grogono
Livre “Icarus the boat that flies” James Grogono 1987

 

 

Conclusions

Après 5 années de conception et 4 années de mise au point, Force 8 ne pu battre le record tant convoité. Weymouth speed week 1978 : 18 n ; 1979 : 16.3 n ; 1980 17.5 n et enfin 24 nœuds mais hors de la base de vitesse.

Force 8 à souvent navigué de concert avec Mayfly, le catamaran à foils en V de Philip Hansford. Leurs performances étaient proches, Mayfly et ses foils en V marchait mieux par vent faible et moins bien lorsque le vent montait : vagues, donc ventilation. Ce qui démontre que l’idée de base des frères Pattison était bonne.

Les modifications suivantes avaient été planifiées pour améliorer les performances de Force 8 : réduction de la traînée avec gain possible de 2 à 3 noeuds (foils et jambe de force, bras de liaison…), changement du gréement avec mise en place d’un gréement rigide à profil réversible, navigation par vent plus fort en imaginant une autre méthode de mise à l’eau (car trop complexe). Toutefois, Force 8 disparu des bases de vitesse à partir de 1982…

 

9 réflexions sur « FORCE 8, « le virage … » »

  1. « publié par Fred Monsonnec »

    Avant d’avoir entièrement lu l’article, j’étais déjà sûr que c’était de toi.

    Merci pour tous ces détails qui sont largement encore d’actualité pour celui qui voudrait se lancer dans l’aventure.

    à bientôt,

    Gérard

  2. Merci pour ces histoires historiques.
    Ce que je retire de ces articles c’est que l’on invente rien dans le concept, c’est juste que les moyens modernes permettent de mieux appréhender et contrôler ces phénomènes et donc on peut aller plus vite.

    Concernant Vestas Sailrocket, la fonction du foil est un peu à part. En effet, le foil ne sert pas à soulever le bateau (c’est la voile inclinée qui s’en occupe) lais il sert au contraire à le coller sur l’eau et de plan anti dérive. Son inclinaison est dictée par l’inclinaison de la voile afin d’avoir des forces les plus antagonistes possible mais il n’est pas piloté.

  3. Bonjour « Gyls »,
    C’est bien comme cela que je voyais l’utilité et le calage du foil de Sailrocket !
    C’est pourquoi, il y avait un « ? » après « Sailrocket » !! Ce foil est en effet là pour contre carrer la force du gréement. Il n’est d’ailleurs pas incliné à 45° (comme sur beaucoup d’engins à foils en V) mais parallèlement au gréement. D’après les photos que j’ai pu voir, difficile de dire ou est placé l’extrados du foil. Il serait logique qu’il soit en dessous puisque l’idée de départ est de « coller » le canot à l’eau. Mais visuellement ce profil n’est pas très différent d’un côté et de l’autre (SR230-NC2). L’incidence semble négative, mais j’ai peut être observé les images avec « les yeux de la foi ». Peut être peux tu infirmer ou confirmer mes dires ?

    Merci GG pour ton commentaire !

  4. D’aprés ce que je sais il y a plusieurs projets qui fonctionent sur le même principe soit celui de la paravane. The swedish speed sailing challenge, sailrocket, l’aile d’eau et le mien. Ce sont differentes façon de mettre en application le principe mais il reste le même c.a.d que la surface vélique tire sur la surface imergé au lieu de pousser.

  5. Merci Sylvain pour cette intervention.
    J’ai en effet l’idée de faire un article sur Monitor.
    Je prends mon temps et j’essaye de ne pas squatter le blog avec des « vieilleries » !
    J’ai pas mal d’autres idées mais pour faire un article qui tient à peu près le coup, il faut du temps !
    Merci en tout cas pour l’adresse : formidable et je dis ceci après avoir visiter le site pendant 2 secondes. Je vais y retourner !
    A bientôt
    Fred

    1. Hi Stuart,

      Thank you for your visit on the blog.

      Regrettably I shall not be at Canet, I have family obligations…
      But that does can be good news for you, because otherwise I shall have insisted to sail on VSD!

      Cheers
      Fred

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