Voilavion, en nav.

Cet été j’avais décidé de mettre la pédale douce sur les sorties en mer, allant même jusqu’à décliner des invitations pourtant très alléchantes. Mais je n’ai pas pu dire non quand Patrice Magnard m’a contacté me proposant de naviguer sur Libellule, premier engin du projet Voilavion. Contacté le jeudi matin, Patrice m’a donné rendez-vous le lendemain à 12h00 à Port Blanc, port d’embarquement pour l’Ile aux Moines. Arrivé avec un peu d’avance je fais la connaissance de l’équipe. Patrice Magnard, bien sur, concepteur général du projet, mais aussi Maxence d’Audiffret, chef de projet chez Magnard Innovation et Matthieu Kerhuel chercheur à l’Ecole Centrale de Nantes spécialiste en mécanique des fluides et conseil scientifique. Après une rapide traversée vers l’Ile aux moines, nous déjeunons ensemble et discutons foils, foils et aussi foils !

Patrice, Louis, Matthieu et Maxence – photo F Monsonnec 08-2012

Les objectifs du projet

Pendant ce très agréable repas, nous abordons la question des objectifs du projet. Patrice, qui souhaitait réaliser un bateau avec gréement incliné depuis plus de 20 ans (voir précédent article de Foiler), ne cache pas son envie de passer à la taille supérieure si ce concept de gréement associé aux foils en T donne toute satisfaction. Ce pourrait être un 50 ou un 60 pieds capable de réaliser des vitesses équivalentes à celles d’un bateau de taille bien plus importante. Donc la possible solution pour éviter la course au gigantisme. L’idée n’est pas de battre le record de vitesse mais bien de produire un bateau très performant pour sa longueur et  pour toutes les allures et forces de vent. Une plateforme simple, fiable et si possible sur laquelle une ou plusieurs parties des foils pourraient être échangées par l’équipage en cas de problèmes. Le team compte poursuivre son travail sur le prototype Libellule encore plusieurs mois avant de faire le point et de peut être, si les objectifs sont atteints, d’envisager l’étape suivante. Patrice m’apprend que l’équipe s’est agrandie avec l’arrivée d’un skipper pro, Louis Burton, qui apporte sa science du pilotage pour accélérer la mise au point du bateau. Ci-dessous, une des dernières vidéos de Voilavion tournée en baie de Saint Malo.

Le bateau

Depuis sa mise à l’eau le bateau, qui en est à sa 25ème sortie environ, a évolué. Tout d’abord le gréement à été gonflé. Sur le nouveau mat de 11 m, le wishbone a été remplacé par une bôme très basse équipé d’un pousse-bas en carbone. Les foils eux aussi ont été modifiés. Ils sont plus profonds et finis les foils à volets, ils ont été remplacés par des foils en T avec, comme sur Force 8, un mouvement complet du plan porteur, Ces nouveaux foils sont beaucoup plus performants et permettraient d’atteindre des vitesses supérieures à 30 nœuds. Malheureusement une petite pièce de transmission a cassée quelques jours avant notre rendez-vous et l’équipe a remonté les anciens foils.

Voilavion au mouillage – photo F Monsonnec 08-2012

La nav.

Après avoir échangé avec Claude Tisserand par téléphone, et terminé notre repas, nous prenons le temps de nous habiller. Il va y avoir du vent, 25 nœuds annoncés, de quoi normalement bien s’amuser. Louis Burton arrive avec un zodiac et nous embarquons en direction de Libellule qui est mouillé à quelques encablures. L’équipe réalise quelques réglages et prend un ris. Rapidement Louis part accompagné d’un ami pour quelques premiers bords musclés.

 

Louis ajuste une biellette de transmission – photo F Monsonnec 08-2012
On ne rigole pas avec la sécurité – photo F Monsonnec 08-2012
En mode archimédien – photo F Monsonnec 08-2012

Le gréement au début vertical est incliné au vent et le bateau décolle assez rapidement. Les virements ont l’air de très bien se dérouler malgré le vent assez fort, la présence d’un fort courant et surtout du gréement cat-boat. Toutefois, nous nous rendons compte que lorsque le bateau est bâbord amure, la coque tribord à du mal à décoller. Nous laissons Louis faire ses essais pour aller chercher Gabriel Simon, journaliste du Télégramme. Il vient réaliser un article sur Voilavion et sur Louis qui après avoir réalisé une belle Route du Rhum sur le 40 pieds Bureau Vallée est en préparation du Vendée Globe sur le 60 pieds Bureau Vallée (ancien Delta Dore). Gabriel Simon, moins équipé que nous qui sommes en combinaison, va passer quelques heures très humides sur le zodiac, alternant arrosage d’eau salée et d’eau douce, le temps étant plus que couvert. De retour sur zone j’enfile un casque, comme tous les naviguant, et c’est partie pour de beaux runs dans 20 nœuds, rafales à 25. Le bateau est d’une grande simplicité. Je m’occupe du basculement du mat, opération qui s’effectue après chaque virement. La manœuvre déjà très simple, pourrait être encore simplifiée, l’équipe y réfléchit….

Gréement à la verticale– photo F Monsonnec 08-2012
Gréement incliné – photo F Monsonnec 08-2012

Le barreur est en charge de la seule écoute du bord. La « poutre centrale » qui se termine en rostre est très pratique. La bôme très basse permet d’avoir le maximum de toile et un CV le plus bas possible. Peut être que lorsque la voile est bien bordée, le trampoline joue le rôle de plaque d’extrémité ? Comme au début de la journée, bâbord amure, le bateau décolle avec difficultés même avec les réglages d’incidence en butée.

Malgré ce problème, qui sera finalement réglé en fin de journée, les accélérations et la stabilité du bateau sont vraiment incroyables, nous avons fait des runs à 20 nœuds et sommes montés à 23 nœuds dans une mer ventée. Lorsque le bateau se soulève, il accélère d’un coup pour ensuite monter en vitesse avec une grande sensation de sécurité.

Après de nombreux bords, nous rejoignons le reste de l’équipe restée sur le zodiac. Le lendemain l’équipe doit tenter de battre le record du tour de l’Ile aux Moines et attend une équipe de France 3 (ci-dessous le reportage diffusé sur Youtube).


Voilavion en vol – photo F Monsonnec 08-2012

Ce retour à terre permet à Patrice et Louis doivent donner « de la matière » à Gabriel Simon pour ses articles. Nous reprenons la bouée de corps mort sous voile et ceci dès la première approche, bravo Louis. Comme quoi, le bateau est très facile a manœuvrer ou surtout, le pilote est bon (ce doit être les deux…). Nous retournons sur la terre ferme prendre des boissons chaudes. Nous retournons le « continent », et je dois quitter cette chaleureuse équipe, non sens avoir une nouvelle fois prit le temps de discuter des autres projets de Magnard Innovation…

Le Télégramme édition Auray
Le Télégramme édition Auray

 

Conclusions

J’ai énormément apprécié cette journée en compagnie du team Voilavion, entre autre, l’approche de Patrice et de son équipe, basé sur l’expérimentation, sans annonce tonitruante, avec des objectifs bien définis et cohérents. L’idée directrice d’améliorer la vitesse moyenne d’un hydrofoil sans vouloir battre des records me semble une très bonne piste. C’est une voie qui permettrait de réellement tirer partie des hydrofoils tout en restant sous la barrière des 50 nœuds et donc de la limite des foils subcavitants. De plus, d’après l’équipe, le gréement incliné permet d’aider à la sustentation mais aussi de caler l’engin en altitude et de stabiliser la plateforme.

Voilà une équipe à suivre…

Voilavion en vol – photo F Monsonnec 08-2012

 

 

 

 

26 réflexions sur « Voilavion, en nav. »

  1. Hello Fred tu peux donner le LOA et la surface de la GV?
    En tout cas merci beaucoup pour cette splendide mis à jour qui nous montre que l’on a pas à rougir en terme d’innovation sur les projets catamarans volant, même s’ils ne font pas 72 pieds 😉
    Nicolas

  2. Très, très beau projet aussi bien techniquement que dans l’allure du bateau.
    De quel ordre est le travail de sustentation de la GV lorsque celle-ci est inclinée?

    1. Bonjour Popov,
      Chai pas !
      C’est une très bonne question.
      Je vais envoyer un petit mail à Maxence d’Audiffret pour le prévenir de la sortie de l’article s’il ne l’a pas vu.
      Je ne sais pas si cela fait partie des éléments qu’il peut transmettre…
      Bonne journée
      Fred

  3. bel article
    vu la bôme le casque ne doit pas être de trop
    belle réalisation tout en simplicité
    j’ai un projet du même type dans un coin de ma tête (pour mono, on ne se refait pas)
    en plus de sustenter le voilier (vf planche à voile, c’est pas négligeable) ça permet de réduire le couple de chavirement (sur un mono ou en utilisant la dérive au vent comme plan anti-dérive)
    ça permet aussi de s’adapter aux conditions météos sans réduire (mat verticale pour allez chercher le vent dans le petit temps et incliné pour réduire le couple de chavirement quand le vent monte)

  4. Salut Fred,
    une fois n’est pas coutume, j’ai pris le temps de potasser ton article de a à z et de voir tous les liens ! En effet, tu n’as pas pu profiter des meilleures conditions d’essai du Libellule, qui marche bien mieux que ça, d’habitude. Mais l’essentiel, c’est que tu aies fait connaissance de cette sympathique équipe que Patrice Magnard a su mettre sur pied.
    PS : si des gens s’intéressent encore au TETRAFOILER, qu’ils se fassent connaitre rapidement…

  5. Le système de régulation m’intéresse toujours autant, j’aimerai bien pouvoir en discuter avec claude. Je pense que c’est le meilleur système pour réguler des paravanes en angle anti-dérive et non en incidence, mais c’est encore un peu confus c’est pourquoi j’aimerais un avis expert.

  6. pour la sustentation le calcul théorique doit être assez rapide :
    coefficient de portance d’une bonne voile 1-1,2
    force (en Newton) : 0,5 x rho x S x Cp x V2
    rho (masse volumique) de l’air en gros 1,204 à 20°C (1,293 à 0°C)
    S 24m2 (oui mais là y’a un ris donc 18 m2 ?)
    V du vent apparent en m/s (1nd = 0,514 m⋅s-1), 30-40 nd au travers/près ?
    une voile inclinée à 45° et bordé au max donnerais une portance de force x cos (45°) = force x Pi/2 = force x 0,7
    et une force latérale (qui allier au plan anti-dérive fait avancer l’engin) de force x sin (45°) = force x 0,7
    il faut encore multiplié tout ça par cos (angle de la voile) pour avoir la sustentation au près, au travers …
    donc en gros au près-bon plein quelque chose comme
    131 kg ? (Cp=1, 30 nd et voiles à 45°)

    1. Merci rb1,

      Je n’avais pas trop le temps de faire l’estimation !

      Le bateau doit peser au minimum 100 kg, un class A (la base du bateau) est plus léger (75 kg mini) mais moins large et son gréement est plus light.
      En solo, il faut compter sur un gus de 80 kg, soit 180 kg et en double 260 kg.
      Ton estimation est peut être très optimiste (ou pas) mais en tout cas, l’intérêt de ce type de gréement pour la sustentation est démontré (il a sûrement des désavantages, sur poids, manœuvres…).
      Peut-on estimer que le bateau décolle à 50% avec l’aide du gréement ?!
      Je devais envoyer un mail à Maxence, je n’ai pas eu le temps, je vais le faire tout de suite…

      Fred

    2. peut-être optimiste mais je ne pense pas délirant
      ça reste cohérent avec les planches à voile
      9 m2 dans 20 nd de vent le flotteur ne fait plus grand chose
      j’avais pas besoin d’autant à 12 ans (et 40 kg) pour faire du water-start 😉

      1. RB1,

        Quand j’ai dit « peut être optimiste » c’est par ce que nous savons bien qu’il y a des pertes et que nous ne disposons pas de données précises sur ce bateau (SV, vitesse vent apparent…)..
        Mais les possibles pertes ne sont pas de 50%, donc je pense en effet que la grandeur de la valeur que tu as obtenue n’est pas du tout délirante.
        D’ailleurs pourquoi s’embêter avec un gréement incliné si c’est pour gagner que 50 kg de « portance » ?

        Fred

        1. Bonjour ,
          Il y a dans ce gréement quelque chose qui m’interpelle .on a voulu reproduire un peu le principe du gréement de planche à voile avec l’inclinaison du mat , or en planche il a inclinaison mais sur plusieurs axes en fonction de la navigation , pour remonter au vent on va incliner le mat plus sur l’avant en se déhanchant , pour la vitesse on va incliner le mat vers l’arrière , c’est en faisant cette gymnastique du corps que l’on optimise sa navigation . là je vois le mat incliner dans l’ axe de la poutre avant. Je pense qu’ en jouant sur d’autres axes les performances seraient meilleurs. Je dis ça aussi parce-que sur mon module lors de mes navigations en mode « voile aile » j’ai testé l’inclinaison du mat mais aussi l’axe de l’inclinaison par rapport à la poutre avant du bateau en bloquant le tangon à plusieurs endroit, ça mettait facile puisque le tangon et le mat sont fixés sur un axe ,les performances du bateau était meilleurs lorsque le gréement n’était pas dans l’axe de la poutre avant mais à environ 15° ; idem en mode kite ou les valeurs sont les mêmes voir supérieures , sur la vidéo on voit bien l’ axe du positionnement du gréement lorsqu’il est libre. C’est vrai c’est un CV et non une voile , mais je suis persuadé qu’ il y a beaucoup de similitudes
          En tout cas très beau projet et j’envie cette équipe !!!!
          Armand

          1. d’après mes vieux souvenir de planchiste débutant (je ne maitrise pas du tout la finesse des réglages)
            sur une planche qui ne possède pas de safran l’inclinaison du mat sert aussi à déplacer le centre de voilure pour gérer la direction de la planche

            mais aussi en fonction de la vitesse on réduit plus ou moins le plan anti-dérive en pivotant la dérive (jusqu’à n’utiliser que les petites dérives ar fixes), ce qui recule le centre anti-dérive
            il faut donc incliner le mat au max pour reculer le centre de voilure également et avancer droit

            de plus un mono qui gite devient ardent (le centre de voilure se trouve sous le vent) en planche et avec ce type de gréement c’est l’inverse, le centre de voilure se trouve au vent quand le planchiste augmente l’inclinaison de la voile, il faut donc reculer la voile pour compenser cette abattée

            cela dit j’ai également le souvenir que les voilures inclinées vers l’ar permettent de réduire les turbulences sur la voile (les turbulences en bout d’aile ne se propagent pas sur le reste de l’aile)
            d’ailleurs plus les avions vont vite plus leur ailes sont inclinées vers l’ar
            une étude (de Pierre Gutelle il me semble, cf livres chez loisir nautiques) prônait les quilles de forme trapèze réduitent de 20 % avec un bord d’attaque à 20 °, ce qui ressemble bien aux plan Farr d’ailleurs
            par contre les planeurs ont des ailes plutôt droite et pourtant ce sont eux qui recherchent le plus à réduire la trainée …

          2. Salut , oui incliner le mat , vous allez augmenter la sustentation .C’est tres bien
            Mais au détriment de la vitesse . Il me semble que ce truc avait déjà été réalisé par un mec qui avait reçu pres de 5 million de francs , dans les années 1990 ;Ça n’ a jamais marché .Ce qui est logique . Il y avait eu un paquet d’articles dans la presse.
            Patrick Dupré homme mouche .

            1. Bonjour Patrick,

              Sans vouloir entamer une polémique, je trouve ton message un peu péremptoire. Le bateau à voile le plus rapide du monde a une voile inclinée …

              Bonne journée,

              GG

  7. Re-bonjour Armand,

    Je dois avoir un article sur un projet équipé d’une voile qui pouvait se diriger dans « tous les sens ». Il faut que je te l’envoie par mail. Je ne sais pas si l’engin qui avait été démarré a été mis à l’eau. Il faudrait que je fasse des recherches…

    Pour ceux qui n’ont pas fait le lien et qui ont lu l’intervention d’Armand, vous pouvez voir ses essais ici :
    https://foils.wordpress.com/2012/08/14/birdkite-aile-de-traction-pour-kiteboat/

    Autrement, dans la liste des engins à ailes inclinées que j’ai présentés sous le premier article sur le Libellule, il y avait sûrement des engins qui pouvait déplacer la voile dans le sens longitudinal (au moins le pied de la voile) :
    https://foils.wordpress.com/2011/10/10/le-projet-voilavion-du-neuf-du-beau/
    Windmill peut être, voir aussi l’engin russe avec une voile qui n’est pas un kite mais qui s’en rapproche et tout les gréements à bout de bras….

    Très bonne idée de recherches…
    A bientôt
    Fred

  8. Il n’est pas basé à St Malo cet engin? Je l’ai vu il n’y a pas longtemps à couple du 60′ de Louis Burton. Je me demandais justement ce que c’était que ce drôle d’engin. Tout le monde croyait que je regardais le 60′ alors que c’était le petit cata qui m’intéressait. lol.

  9. News :

    L’Hydroptère DCNS repousse sa tentative de record à la saison prochaine en raison de l’absence de fenêtre météo favorable (printemps prochain). Cela va permettre à l’équipe d’ingénieurs de DCNS de poursuivre la mise au point du système d’asservissement de l’assiette du bateau. Dans quelques semaines, l’Hydroptère DCNS effectuera un convoyage retour vers Los Angeles.

    Fred

  10. Bonjour à tous,

    Vu la facilité (semble-t-il) à passer de la configuration « gréement vertical » à  » gréement incliné », j’aimerais bien connaitre la différence de performance, tous paramètres étant égaux.

    L’équipe a-t-elle fait cet essai ?

    à plus,

    GG

    1. GG,
      Quand nous avons évoqué avec « RB1 » la force verticale développée par le gréement, j’ai contacté Maxence pour le prévenir de la présence de l’article et de réactions à ce sujet. Nous avons ensuite échangé des mails et c’est aussi ce que je lui ai demandé (réalisation d’un comparatif gréement incliné et vertical). Je ne sais pas si l’équipe a eu le temps de faire ces essais, ils ont bien entendu déjà eu l’idée de faire ce type de comparatifs, mais comme le team conserve « quelques » données secrètes, je n’en n’ai pas su plus !
      Désolé
      Fred

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