Au revoir Claude

LSA 2016, Maurice Gahagnon et Claude Tisserand – photo B. Gahagnon

Claude Tisserand, pionnier français des hydrofoils, est décédé jeudi 23 décembre. Né en 1939 en Tunisie, Claude était ingénieur géologue responsable de la construction de plusieurs retenues en Corse où il s’était installé (barrages de U Spidali, Figari, Ortolo). Claude était aussi membre du Comité Français des Grands Barrages, institution de référence en France.

Le barrage d’U Spidali – photo site OEHC Corsica

En 1964, avant de se lancer dans la construction de son premier trimaran volant, il réalise une première maquette d’un mètre qui est testée au printemps : « c’est alors que le miracle se produisit » écrit Claude, « le bateau, après quelques mètres d’accélération, sortit brusquement de l’eau et se mit à glisser à une vitesse folle sur ses ailes marines ». Cette expérience est inscrite à jamais comme l’une des plus grandes émotions de son existence : « j’avais vraiment accouché d’un phénomène auquel je n’osais croire quelques instants auparavant ! »

Maquette « Véliplane intégral » 1965 – photo collection C. Tisserand

Commencé en octobre 1965, Véliplane ou Minoï est mis à l’eau en mai 1966 après 8 mois de travaux. C’est un trimaran en contre-plaqué de 4,50 m de long pour 4 m de large qui pèse 125 kilos. Il est équipé du gréement d’un As Côte d’Azur (plan Camatte de 1932). L’engin décolle par force 3 et atteint 15 nœuds mais il refuse de virer ! 

Véliplane 1 – F Monsonnec 03-2017
Véliplane I, mai 1966 (Monastir-TUNISIE)

C’est le début d’une longue et intense période d’expérimentations. Claude réalise de nouvelles maquettes et met au point trois nouveaux Véliplanes.

Maquette du Véliplane II 1965 – photo C Tisserand

Le Veliplane II est réalisé sur la base d’une coque de 470 et est équipé de foils repliables. Testé en 1971, l’engin ne décolle qu’une seule fois, par forte brise : « Une belle cavalcade qui se termine par la perte d’une aile ! ».

Véliplane II 1971 – photo collection C. Tisserand

Le Véliplane III tient compte des essais du numéro II et ses foils sont plus élaborés. Testé durant l’été 1973, il décolle par force 3 et réalise des pointes à 16 nœuds. L’année suivante, Claude l’équipe du GV lattée et d’un carénage sur la poutre. La vitesse augmente sur eau plate mais chute dès qu’il y a 50 cm de creux. Mais le véliplane III, présent aux semaines de Weymouth 74 et 75, a impressionné James Grogono, grand maitre es foil anglais. James le présente dans son livre Icarus The Boat that Flies dans le chapitre Innovators : « Only one peson has succesfully converted a standard racing dinguy to hydrofoils… M. Tisserand also change to a standard 470 one-design dinghy. The result was a practical boat with retractable foils which was timed unofficially at 20 knots…”

Véliplane III 1973 – photo collection C. Tisserand

Déçu par sa septième place à la semaine de vitesse de Weymouth de 1975, Claude se rend compte que sa coque de 470 est trop lourde, elle est pourtant allégée de son puits de dérive. Il construit alors une coque centrale en fibre de verre et des petits flotteurs et équipe l’ensemble du gréement et des foils du Véliplane III. Sans peinture, pour gagner du poids, le Véliplane IV et sa coque transparente décolle dès 10 nœuds. Il atteint 20 nœuds au cours de l’été 1976 et navigue aussi muni de trois voiles rigides, une sur chaque coque. C’était avant les tests réalisés par Eric Tabarly en 1976 à partir d’une coque de Tornado. La forte couverture médiatique des essais d’Eric Tabarly a éclipsé les travaux de Claude et de Roland Tiercelin et a fait croire à beaucoup que l’hydrofoil venait d’être inventé…

Véliplane IV 1976 – photo collection C. Tisserand

Malgré de beaux articles dans Nautisme, Yachting World… les travaux de Claude n’intéressent pas grand monde. En 1980, lassé de la mise au point des de voiliers à hydrofoils, il commence à s’intéresser aux Deltaplanes et aux ULM qu’il observe depuis quelques années s’élancer depuis les pentes plus ou moins abruptes. Claude « s’autoforme » au pilotage avec un petit groupe de passionnés Corse, puis réalise ses propres modèles dont il vend les plans, les ULM pendulaires Puce du Ciel. Fort de son expérience des engins à hydrofoils, de ses nouvelles compétences en aéronautique et vivant dans un appartement les pieds dans l’eau, la réalisation d’un hydravion « s’impose ». C’est ainsi que voient le jour les Hydroplum I et II, des hydra ULM qui seront produits en série sous le nom de Pétrel et utilisés dans l’émission Ushuaïa. L’émission Thalassa lui consacre aussi un reportage et, bien sûr, FR3 Corse.

Nicolas Hulot dans le proto et Hubert de Chevigny dans le n° 01 – photo DR

Claude réalise ensuite des appareils encore moins classiques, l’Amphiplane et l’Electroplane des planeurs hydravions. Ce dernier est déjà, au début des années 2000, prévu pour être équipé d’une motorisation électrique. Ce n’est pas le premier projet électrifié de Claude qui à 11 ans, en 1950, réalise une « voiturette » alimentée par une batterie de camion !

Claude sur son premier véhicule électrique en 1950 – photo collection C. Tisserand

En 2005, après avoir « cassé du bois » à bord d’un nouveau modèle de Puce du ciel, Claude revient à ses premiers amours, les hydrofoils. Il met au point, avec son frère Gérard, le Tétrafoiler un catamaran muni de quatre hydrofoils et équipé d’une régulation innovante.

Le Tétrafoiler – photo collection C. Tisserand

Il participe aussi au projet Voilavion et travaille au développement d’un « kit » pour favoriser la pratique du vol à partir d’un driveur classique. En 2010, les travaux de Claude sont présentés à l’exposition « Les voiliers volants » à la cité de la voile Eric Tabarly, juste retour des choses.

Claude lors de l’inauguration de l’expo. Les voiliers volants – photo F Monsonnec

Humble, Claude aimait partager son savoir. Ses recueils « Des hydrofoils à la portée de tous » et « Les mémoires d’un pilote d’essai amateur » sont disponibles sur Internet. Ce dernier document, qui présente les premiers pas de Claude en tant que pilote puis ses créations, est un vrai récit d’aventure. Claude est décédé soudainement d’un arrêt cardiaque, dans une prairie en compagnie de sa petite fille qu’il initiait au pilotage d’un avion modèle réduit… Comme son frère Gérard me l’a écrit : « Il est mort comme il avait vécu, le nez au vent ». Peut-être le destin l’avait-il prévenu en secret, il avait rangé son atelier, sorti et classé ses photos et les avaient envoyées à ses proches. Je perds un ami, je garde bien vivant le souvenir de délicieux moments passé en Corse en sa compagnie et celle de son épouse… Bons vols Claude.

Les Véliplanes et le Tétrafoiler – F Monsonnec 2017

Vous trouverez plus de détails sur les réalisations de Claude dans les articles suivants :

Les Véliplanes de C. Tisserand, ces méconnus ! 1/2

Les Véliplanes de C. Tisserand, ces méconnus ! 2/2

Les foilers Tisserand, du nouveau dans la régulation

Le Tétrafoiler est à vendre !

Et maintenant, le Kit-foiler

Le Tétrafoiler est à vendre !

Bateau vendu !

Votre tirelire n’était pas assez remplie pour acheter le Trifoiler 64, vous n’avez pas été assez rapide pour acquérir le Stress boat ! Le Tétrafoiler sera peut être à vous ?

Ce catamaran a été développé par un des pionniers des hydrofoils en France, Claude Tisserand, dont j’ai de multiples fois évoqué les réalisations sur ce blog (voir en bas d’article).

D’ailleurs, la régulation innovante de ce bateau à été présentée dans l’article : Les foilers TISSERAND, du nouveau dans la régulation.

Controleur Tisserand - F Monsonnec 13-10-15

Et le Tétrafoiler a fait l’objet de l’article suivant : Le Tétrafoiler : du nouveau dans les hydrofoils

Les foils du Tétrafoiler à l’extérieur des coques et les contrôleurs ancienne version – photo Tisserand 08-2009

Entièrement démontable, coques en fibre de verre, foils et poutres tout carbone, son état est d’après Claude «médiocre » ! Mais facilement réparable (le pont est à refaire). Vendu avec son gréement complet et sa remorque adaptée, Claude n’en demande que 550€ !

Tétrafoiler sur la plage V2007 – photo via C Tisserand

Le Tétrafoiler en chiffres

  • Longueur : 4.80m (15.75 pieds)
  • Largeur (hors foils) : 2,6 m (8.53 pieds)
  • Poids : 80 kg
  • Voilure : 13,6 m2
  • Décollage : à 10 nœuds avec 10 nœuds de vent
  • Prix : 550 € TTC
  • Situation : Sisco Corse (22 km de Bastia)

 

Conclusions

Un peu de travail et une balade en Corse à prévoir, pour un bateau innovant, dessiné et construit par un pionnier des foils et qui est équipé d’une régulation innovante.

C’est autre chose qu’un bateau de série, c’est un morceau d’histoire qui vous fera gouter aux joies du vol régulé…

 

Vous êtes intéressés ?

Vous pouvez laisser un message ci-dessous, Foilers se fera un plaisir de faire le lien avec Claude !

 

Enfin, pour en savoir plus sur les réalisations de Claude :

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Les foilers TISSERAND, du nouveau dans la régulation

Par Gérard et Claude Tisserand

A – les Véliplanes

Plusieurs modèles ont été construits entre 1964 et 1978, en maquette ou en grandeur (les Véliplanes). Ils étaient basés sur le modèle « tripode » (ou avion), c’est-à-dire à foils en V perçant la surface et un troisième foil en T en bout de safran. Ils ont probablement été à l’origine de l’Hydroptère, qui en tous cas s’en est largement inspiré. Puis les problèmes de la vie étant ce qu’ils sont (tout au moins pour les amateurs que nous sommes), il y eut une longue interruption au cours de laquelle nous nous sommes consacrés à d’autres occupations. Ce n’est qu’en 1996 que nous avons repris les expérimentations, d’abord en maquettes, puis avec un petit modèle « grandeur » de 4,5 m à partir de 2006.

Avantages et inconvénients de la formule « tripode »

  • Les foils en V nécessitent pour une stabilité minimale une poutre transversale très large et très solide, donc chère et lourde.
  • Les foils perçant la surface, en V et encore plus en J (voir Coupe America, note 3), sont sujets à la ventilation, c’est-à-dire que l’air en provenance de la surface vient détruire la portance de l’extrados du foil, portance largement majoritaire (note 1).
  • La stabilité longitudinale est parfois insuffisante car la poutre est située quasiment au centre de poussée vélique, lui-même très prés du centre de gravité. Les foils sont donc très en arrière, d’où une forte tendance au capotage (on dit « sancir », mais le terme est inusité). C’est ainsi que le Véliplane III a sanci durant un run à Weymouth.
  • Ces bateaux sont essentiellement adaptés aux records de vitesse, mais peu faits pour les parcours en haute mer.

B – Le Tétrafoiler : La disposition générale

Pour ces raisons, nous nous sommes orientés vers le Tétrafoiler, qui présente les caractéristiques suivantes :

  • Comme son nom l’indique, il comporte 4 foils (2 par coque) qui, contrairement à la mode actuelle, sont maintenus en place en permanence. La masse sera répartie sur les quatre foils et non pas sur deux comme pour l’essentiel dans la formule tripode, de même que la contre-dérive est répartie sur les 4 plans supports (note 2).
  • Afin de contrer la tendance à l’enfournement propre aux catamarans, le Tétrafoiler est centré très en arrière. Il peut donc se comparer à un avion type « canard » et il suit les mêmes lois de stabilité.
  • Entre les foils avant et arrière on veillera à maintenir un V longitudinal, c’est-à-dire que les foils avant ont plus d’incidence que les foils arrière: ils sont donc plus chargés au dm2.
    Il s’en suit que les foils arrière auront une surface supérieure à celle des foils avant, comme pour les avions « canard ».

Une des maquettes du Tétrafoiler sur ces 4 foils – photo Tisserand
Une des maquettes du Tétrafoiler sur ces 4 foils – photo Tisserand

La stabilité sera donc celle d’un avion « canard », mais avec un facteur très déstabilisant: la poussée vélique, très haute et très perturbatrice, d’autant plus que le point de résistance (les foils), est placé très bas, en dessous des coques.

Pour lutter contre ce couple piqueur très variable, on n’a pas de trop de toute la longueur du bateau : nous mettons donc les 4 foils aux 4 coins du cata : ainsi utilisons-nous la totalité du polygone de sustentation. En statique la stabilité est celle d’un cata normal ; en dynamique la stabilité est largement supérieure par l’effet stabilisant des foils. Cette disposition très sécurisante sera avantageusement combinée à une fixation extérieure des foils avant (voir photos), ce qui présente le double avantage d’augmenter la stabilité latérale et de sécuriser le bateau en cas de choc violent, l’arrachement d’un foil n’entrainant pas l’ouverture de la coque. Il faut noter cependant que cette formule est très préjudiciable à la maniabilité ! En cas d’utilisation en régate il conviendra sans aucun doute de rechercher un compromis stabilité-maniabilité, ce qui est somme toute très classique.

Les foils du Tétrafoiler à l’extérieur des coques et les contrôleurs ancienne version - photo Tisserand 08-2009
Les foils du Tétrafoiler à l’extérieur des coques et les contrôleurs ancienne version – photo Tisserand 08-2009

Pour lutter contre les phénomènes de ventilation, nous utilisons des foils en T dont les plans porteurs, entièrement immergés, ont en principe un meilleur rendement que les foils inclinés perçant la surface.
Nous avons construit de nombreuses maquettes sur ce principe et un proto de 4,5 m qui a fonctionné de 2007à 2012.

Un des maquettes du Tétrafoiler - photo Tisserand 10-2015
Une des maquettes du Tétrafoiler – photo Tisserand 10-2015

Une des maquettes en navigation - photo Tisserand 05-2012
Une des maquettes en navigation – photo Tisserand 05-2012

Le Tétrafoiler - photo Tisserand 09-2007
Le Tétrafoiler – photo Tisserand 09-2007

Cependant, l’agencement général de nos modèles que, pour les raisons sus-indiquées, nous avons appelés « Tétrafoiler », n’est qu’une partie du problème; le reste, tout aussi important, est développé ci-dessous :

C – Le contrôleur Tisserand

La disposition du Tétrafoiler donne un cata STABLE, SOLIDE, et PAS TROP CHER… encore fallait-t-il le contrôler : en effet les foils en T entièrement immergés, donc à surface constante, nécessitent un système qui va déterminer leur profondeur d’immersion, autrement dit la hauteur du bateau au dessus de l’eau, ou encore l’altitude de vol ! Les dispositifs électroniques, employés depuis longtemps sur divers engins militaires, ne conviennent pas pour un usage civil raisonnable, du moins à ce jour, et le contrôle manuel est très aléatoire, même assisté comme pour la Coupe America.

Ce contrôle est donc assuré sur la plupart des foilers par des palpeurs mécaniques poussés ou tirés, qui ont pour référence la surface de l’eau, avec toutes ses irrégularités. Ce type de palpeur nous est apparu très perfectible, pour les raisons suivantes :

  • leur puissance est limitée, sauf à employer des surfaces de palpeur exorbitantes (voir K2 Kitefoiler)
  • ils n’agissent théoriquement que dans un seul sens, sauf dans le cas des palpeurs poussés type Ketterman, où ils sont associés à des foils articulés en haut et qui donc exercent un gros effort permanent sur les palpeurs largement dimensionnés.
  • ils n’ont que peu d’action sur la stabilité LATERALE du bateau, ou tout au moins leur correction en roulis nécessite un minimum de gite. Le contrôle en gîte se fait par la différence de niveau entre les foils au vent et les foils sous le vent.
  • ils suivent plus ou moins les perturbations de la surface de l’eau, ce qui en eau agitée est très perturbant dans bien des domaines.

L’idée nous est donc venue de remplacer ces palpeurs de surface par une pale verticale (une de chaque coté), plongée dans l’eau. Cette pale, est articulée en haut, hors de l’eau, sur un axe longitudinal, comme un pendule. Cet axe est muni d’un guignol qui commande simplement et directement le foil avant correspondant (voir schéma).
Dès lors il suffit de donner à ces pales un léger angle d’attaque par rapport à la trajectoire ou axe du bateau, pour qu’elles génèrent une énorme force latérale que nous utilisons pour commander (à cabrer) les foils avant.

Controleur Tisserand - F Monsonnec 13-10-15

Tels quels, ils sont déjà un bon régulateur puisque, plus le bateau s’élève, plus leur surface immergée diminue, donc leur effet sur les foils diminue, et très vite un équilibre s’établit qui règle la hauteur du bateau. Ainsi réalisés les palpeurs rendent les mêmes services que les traînards, avec un grand avantage : ils sont auto-amortis, par leur conception même, et donc quasiment insensibles aux irrégularités de la surface.
En outre, ces palpeurs qui dégagent, nous l’avons vu, une force considérable, sont surabondants pour commander des foils articulés au pied du T (encore que tout dépend du point d’articulation et du profil employé : s’il n’est pas judicieusement placé, il peut y avoir des efforts importants). Ils peuvent donc commander des foils en T articulés en haut (cf les foils de la Coupe America ou le Trifoiler), qui engendrent des efforts importants à cause de la traînée. Ces foils présentent l’avantage d’être monoblocs, donc plus fins et plus solides, mais présentent l’inconvénient d’être sensibles à la moindre rencontre avec des objets (algues par exemple) sous la surface.

Cependant nous avons pu améliorer la formule

On a pu améliorer grandement cette formule en réalisant des palpeurs en deux parties : une partie supérieure et une partie inférieure. Ces deux parties, décalées, portent chacune en sens inverse: par exemple, la partie supérieure est calée + 4°, la partie inférieure à – 4°, donc vrillage total (ou interinclinaison) = 8°.

Dès lors les palpeurs agissent dans les deux sens : suivant la hauteur du bateau, c’est soit une des surfaces qui domine, soit l’autre. Si les palpeurs sont bien placés, bien orientés, si les surfaces sont braquées dans le bon sens, le contrôle du bateau est total : s’il est trop bas il remontera, mais là où nos palpeurs sont exclusifs, c’est que s’il est trop haut, il sera dynamiquement rabaissé par le braquage négatif du foil.

Les conséquences sont énormes

L’équilibre latéral du bateau est maintenu, classiquement, par la gravité, qui tend à le maintenir à plat, et par l’équipage qui se démène. Mais dans le cas des contrôleurs Tisserand, les palpeurs réagissent aux variations de hauteur, ce qui est classique, mais aussi à la dérive, qui provoque un braquage différentiel, avec une augmentation de l’incidence sous le vent et une réduction au vent, et ceci sans aucune gite.

Ainsi, le bateau reste horizontal et la stabilité gravitaire est dépassée : la stabilité dynamique s’ajoute à la stabilité statique, ce qui permet d’accepter des vents bien supérieurs à ceux d’un foiler classique qui ne comporte pas cette disposition. Ainsi au démarrage le bateau gite puis il se redresse au fur et à mesure qu’il accélère, et ceci sans que l’équipage ait le moindre mouvement à faire (a fortiori en maquette, qui ne comporte aucune masse mobile !).

On peut résumer ainsi le comportement du Tétrafoiler: une fois installé sur ses foils, on peut allumer sa pipe ou boire une bière, les contrôleurs font tout le boulot (sous pilote automatique bien sûr !).

La stabilité du Tétrafoiler - photo Tisserand 08-2009
La stabilité du Tétrafoiler – photo Tisserand 08-2009

La configuration générale du cata permet, nous semble-t-il, d’être plus apte à envisager des parcours océaniques, parce que même avec un foil arraché, il continuera à naviguer alors qu’un tripode à poutre transversale risquera d’être en perdition.

D – Conclusions

Ces palpeurs ont été testés des centaines de fois sur nos maquettes successives, ainsi que sur le prototype de 4,5 m.
Hélas nous n’avons pas pu continuer nos essais sur le proto, faute d’un plan d’eau adapté et de moyens financiers suffisants…

La maquette du Tétrafoiler en vidéo

E- Annexes

Note 1 : un peu d’hydrodynamique
On sait qu’un plan se déplaçant dans un fluide avec un certain angle dit d’incidence provoque une portance qui est la résultante de la pression sous le plan et de la dépression au dessus du plan. Or « chacun sait » que cette dépression est très supérieure à la pression, d’où le soin particulier que l’on devra porter à la conservation de cette dépression, ce qui en cas de « ventilation » est totalement impossible ! Mais il convient de noter aussi qu’à partir d’une certaine vitesse de déplacement, la pression sous le plan devient suffisante pour assurer la sustentation…

Note 2 : la contre-dérive
La voile exerce une poussée latérale qui doit impérativement être contrée par un plan (ou hydrofoil vertical) appelé couramment « dérive ». Sur la majorité des voiliers cette dérive est placée aux environs du centre de poussée de la voile pour que le bateau soit équilibré (ou légèrement en avant pour que le bateau soit « ardent » et vire plus facilement). Il s’en suit que le safran ne sert que de gouvernail et ne contribue pas ou peu à la contre-dérive.
Sur le Tétrafoiler par contre, les dérives avant portant les foils sont très en avant de ce centre de poussée vélique; cette disposition, qui devrait rendre le bateau très ardent, voire même incontrôlable, est facilement compensée par une forte augmentation de la surface des safrans (toujours la configuration « avion canard »). Les safrans contribuent donc fortement à cette contre-dérive, qui est donc répartie sur les 4 plans, ce qui n’est jamais de trop quand on sait que la dérive est un des problèmes majeurs sur un foiler « volant » haut.

Note 3 : à propos des foils en J de la Coupe America
Les foils en V classiques, du genre Véliplane ou Hydroptère, présentent le double inconvénient d’être sujets à la ventilation puisqu’ils percent la surface, et de réduire la largeur au fur et à mesure de leur sortie de l’eau (d’où l’énorme poutre transversale). Mais par contre ils présentent le grand avantage de l’autocompensation, c’est-à-dire que la dérive induit une augmentation de l’incidence sous le vent et une réduction de l’incidence au vent, d’où une grande autostabilité.
Les foils en J présentent bien entendu les mêmes inconvénients de ventilation puisqu’ils percent deux fois la surface, et de réduction de la largeur puisqu’ils sont disposés vers l’intérieur des coques. Mais par contre ils ne présentent pas l’avantage de l’autocompensation puisqu’une moitié du J joue dans le bon sens tandis que l’autre joue en sens contraire…